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COEXISTENCE DANS UN MONDE DE DIVERSITÉ AGRICOLE

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Published under: Stoltenberg's 1st Government

Publisher: Ministry of Agriculture

COEXISTENCE DANS UN MONDE DE DIVERSITÉ AGRICOLE

- Le droit de chaque pays de défendre

des considérations autres que d’ordre commercial

Conférence internationale sur les considérations

autres que d’ordre commercial dans le secteur de l’agriculture

Ile Maurice, 28 – 31 mai 2001

Document de travail n° 1

Présenté par la Norvège

INTRODUCTION

1.Tous les membres de l’OMC sont tenus, en vertu de l’article 20 de l’Accord sur l’agriculture, de poursuivre le processus de réforme. L’article 20 reconnaît "l’objectif à long terme de réductions progressives substantielles du soutien et de la protection qui aboutiraient à une réforme fondamentale". Toutefois, si l’article 20 comporte une obligation de poursuivre le processus de réforme, il ne prescrit pas que ce processus doit nécessairement aboutir à la réalisation de l’objectif à long terme au cours des présentes négociations. Par ailleurs, le degré des réductions du soutien et de la protection devrait notamment être fonction de l’expérience acquise dans la mise en œuvre de l’accord existant, des conséquences de l’accord, des considérations autres que d’ordre commercial, du traitement spécial et différencié à réserver aux pays en voie de développement et de l’objectif de la mise en place d’un régime d’échanges agricoles équitable et axé sur le marché.

2.Depuis la conférence sur les Considérations autres que d’ordre commercial dans le secteur agricole1Conférence internationale organisée par la Commission européenne, le Japon l’île Maurice, la Norvège, al république de Corée et la Suisse, qui s’est tenue à Ullensvang, en Norvège, du 1 au 4 juillet 2000 et à laquelle ont participé des fonctionnaires provenant d’un total de 40 pays. Les informations sur le programme, la documentation, les pays participants et les communiqués de presse relatifs à la conférence sont disponibles sur http://mf.dep.no/. de Ullensvang, en juillet 2000, un certain nombre de membres de l’OMC ont fait part de leur ouverture à l’égard des la question des considérations autres que d’ordre commercial dans le secteur agricole, en particulier, le développement rural, la sécurité alimentaire et la protection de l’environnement. Dans une note commune sur les considérations autres que d’ordre commercial (CAOC), soumise à l’occasion de la session extraordinaire du comité de l’agriculture de l’OMC en novembre 2000, un total de 27 membres déclaraient notamment : "Chaque pays a le droit, conformément à des règles mutuellement admises, de prendre en compte des considérations autres que d’ordre commercial, telles que la question du renforcement de la viabilité socio-économique et du développement des zones rurales, les questions de la sécurité alimentaire et de la protection de l’environnement et la question de la promotion de la coexistence de différents types d’agriculture."

3.Les CAOC sont des considérations d’un type particulier caractérisant le secteur agricole. 2Pour une analyse exhaustive de la spécificité du secteur agricole, voir le document n° 1 présenté par la Suisse à la conférence de Ullensvang (http://mf.dep.no/). Le présent document a pour objet de préparer de tous les membres de l’OMC à faire preuve de compréhension à l’égard des CAOC qui doivent être prises compte par une agriculture multifonctionnelle. Une telle compréhension devrait être étayée par le principe de la coexistence, supposant la reconnaissance de cinq éléments fondamentaux. Ces éléments, qui devraient s’appliquer aussi bien aux pays en voie de développement qu’aux pays industrialisés, feront l’objet d’un examen plus approfondi dans la suite du document. En premier lieu, si tous les pays portent un intérêt général et universel aux CAOC, il en existe qui accordent à certaines CAOC une importance et un degré de priorité différents. De plus, dans un pays donné, surtout s’il est en voie de développement ou si son économie est en transition, les exigences de la politique agricole peuvent varier au fil du temps par suite de facteurs internes ou externes. Il convient de tenir dûment compte de la diversité des politiques mises en œuvre.

4.En deuxième lieu, une certaine proportion de la production agricole interne doit nécessairement être consacrée à la prise en compte des CAOC. Un pays peut importer des denrées alimentaires en provenance d’un autre pays, mais la défense de CAOC telles que le développement rural, la sécurité alimentaire et les effets positifs pour l’environnement découlant, par exemple de la biodiversité, est largement tributaire de l’agriculture du pays. Pour réaliser des objectifs n’ayant pas de caractère commercial, il est donc indispensable que différentes formes d’agriculture coexistent, dans les régions à haut potentiel aussi bien que dans celles à faible potentiel.

5.En troisième lieu, la production interne étant nécessaire pour défendre les CAOC, la diversité des conditions de production dans les différents pays doit être reconnue. En quatrième lieu, étant donné que, dans nombre de zones à faible potentiel, les conditions sont défavorables à la production agricole, une intervention des pouvoirs publics en faveur de l’agriculture y est souvent requise pour soutenir la production. Il sera donc indispensable d’insérer la flexibilité dans le futur système commercial multilatéral, dans des conditions mutuellement admises, de manière à assurer aux pays membres une marge de manœuvre suffisante dans l’élaboration de leur politique nationale. En cinquième lieu, il convient de reconnaître que, dans de nombreux cas et pour beaucoup de raisons, les seules mesures de la Boîte verte peuvent ne pas être suffisantes pour défendre les CAOC.

1 DIVERSITÉ DES PRÉOCCUPATIONS

6.Pour un certain nombre de pays, qu’ils soient en voie de développement ou industrialisés, les CAOC revêtent une importance vitale. Il est évident que tous ne seront pas concernés au même titre par les mêmes préoccupations. Un des membres peut être particulièrement focalisé sur le développement rural, alors que d’autres concentreront leur attention sur, par exemple, la sécurité alimentaire, la biodiversité, le patrimoine culturel, la conservation des sols ou le maintien des paysages agricoles. Nos priorités et nos exigences peuvent être différentes. Ce qui nous unit c’est la volonté sincère de défendre les CAOC ainsi que la nécessité d’accueillir ces préoccupations dans le système commercial multilatéral.

7.Les divers objectifs des politiques nationales traduisent simplement le fait que des cultures et des passés historiques différents, le développement économique et les préférences des consommateurs ont amené les pays à accorder des priorités différentes à des préoccupations différentes. À titre d’exemple, des pays éminemment agricoles ou des pays n’offrant pas beaucoup d’autres possibilités d’emploi à leur population rurale ont davantage tendance à mettre l’accent sur le rôle de l’agriculture en tant que pourvoyeuse d’emplois ruraux que des pays dont la population rurale a relativement peu de difficultés pour trouver un emploi dans d’autres secteurs. De plus, des pays comportant des régions à faible densité de population s’efforceront de pratiquer une politique d’implantation décentralisée. En outre, dans les pays où l’agriculture est une activité économique exercée de longue date, le secteur agricole contribue dans une mesure importante à la conservation de la biodiversité et du patrimoine culturel. Un troisième exemple est représenté par la sécurité alimentaire qui n’est pas abordée de la même façon par les pays importateurs nets de denrées alimentaires que par les exportateurs nets. À la quatrième place, on peut citer l’exemple de certaines questions environnementales ou tenant à la sécurité alimentaire à l’égard desquelles la sensibilité des consommateurs varie d’un pays à l’autre.

8.Il est important de souligner que les objectifs des politiques menées ne varient pas seulement dans l’espace (c’est-à-dire entre les pays), mais aussi dans le temps. Tel est particulièrement le cas des pays en voie de développement et des économies en transition.

9.Il se peut, par exemple, que, dans la société, la demande de services environnementaux liés à l’agriculture augmente. De plus, une urbanisation rapide peut aboutir à une focalisation accrue du développement rural et de l’agriculture considérés comme des pourvoyeurs d’emplois ruraux. De même, des chocs d’approvisionnement extérieurs et une diminution de l’offre d’aliments peuvent, à leur tour, remettre la production agricole interne au centre de l’attention. La future demande de services collectifs tels que les prestations environnementales, l’emploi rural et la sécurité alimentaire pourrait donc évoluer différemment au cours du développement.

2 LA NÉCESSITÉ D’UNE AGRICULTURE NATIONALE

10.Comme l’indique le chapitre 1, les CAOC qui caractérisent le secteur agricole sont diverses et chaque membre de l’OMC, qu’il soit en voie de développement ou industrialisé, a le droit, en accord avec des règles mutuellement admises, de défendre ces considérations. La question cruciale qui se posera sera donc la suivante : De quelle manière pourra-t-on défendre ces CAOC à l’échelle nationale ? Après une analyse approfondie de plusieurs CAOC, il apparaît clairement qu’il n’est pas possible de répondre à ces préoccupations sans faire appel à un certain niveau de production agricole interne, comme le montrent les quatre exemples qui suivent.

11.Le rapport entre agriculture nationale et sécurité alimentaire du pays est clairement établi. Un des objectifs fondamentaux de tous les pays c’est d’assurer un approvisionnement stable de denrées alimentaires à leur population et, pour y parvenir, la plupart des gouvernements ont opté pour un certain niveau de production agricole interne allié à des importations. Un degré d’auto-approvisionement de 100% dans tous les domaines alimentaires ne serait pas seulement impossible à obtenir, mais ne représenterait d’ailleurs pas la meilleure solution. Cependant, afin de réduire les risques qui sont souvent associés à une dépendance excessive à l’égard des marchés mondiaux, beaucoup de pays dont le degré d’auto-approvisionnement en produits agricoles est faible estiment qu’il est indispensable d’atteindre un certain niveau de production agro-alimentaire interne.

12.La contribution de l’agriculture nationale au développement rural et à la viabilité des zones rurales est également un fait généralement admis. Dans le cas des pays en voie de développement dont l’économie est principalement agricole ainsi que dans des régions reculées d’un grand nombre de pays industrialisés, la contribution de l’agriculture à l’emploi rural ainsi qu’à la viabilité économique et sociale est primordiale. Les politiques de promotion du développement économique peuvent occasionner des coûts sociaux inacceptables si l’adaptation structurelle du secteur agricole n’a pas pour effet de créer des possibilités d’emploi de remplacement. L’impact du commerce sur le développement rural serait fonction de la compétitivité ou non de la région rurale en question au plan international, que ce soit dans le secteur agricole ou d’autres secteurs.

13.Le troisième exemple est fourni par la contribution de l’agriculture à la biodiversité. Des milliers d’année de pratique de l’agriculture ont forgé le paysage naturel et ces paysages agricoles offrent actuellement une variété d’habitats et abritent un nombre considérable d’espèces sauvages à tous les niveaux taxinomiques. Par conséquent, la préservation de la biodiversité, qui est l’objectif de la Convention sur la diversité biologique de Rio, de 1992, dépend du maintien de ces paysages. Parfois, il peut même se révéler nécessaire de continuer à pratiquer certaines méthodes agricoles spécifiques. 3Par exemple, la croissance de plusieurs espèces de plantes sauvages est favorisée par le pâturage de certaines espèces d’animaux domestiques.

14.Le dernier exemple concerne la contribution de l’agriculture à la conservation des sols. À titre d’exemple, dans certains climats de moussons, les rizières jouent un rôle important pour la rétention de l’eau. En raison de ce pouvoir tampon de l’eau, les rizières contribuent à la lutte contre les inondations et à la prévention de l’érosion des sols et des glissements de terrain. 4Cette liste d’exemples n’est pas exhaustive. L’agriculture nationale peut également contribuer, par exemple, aux CAOC que sont le patrimoine et l’identité culturels et une meilleure sécurité alimentaire.

15.Ces exemples confirment que la défense des CAOC dépend dans une large mesure de l’agriculture nationale, 5Dans l’analyse économique, ces liens entre la production primaire d’aliments et de fibres, d’une part, et plusieurs CAOC, d’autre part, sont souvent qualifiés d’indivision, les CAOC étant généralement associées à la production d’aliments ou de fibres. De plus, selon la théorie économique, les CAOC relèvent souvent de la catégorie des services collectifs qui, par définition, ne sont pas commercialisables. Il existe, par exemple, un marché pour les biens de consommation tels que les denrées alimentaires, mais les services collectifs qui sont des effets connexes de la production d’aliments, tels la biodiversité et la sécurité alimentaire, ne peuvent être achetés ni vendus sur les marchés, qu’ils soient locaux, nationaux ou internationaux. et la manière dont le commerce peut prendre en compte ces préoccupations est assez limitée. Cette conclusion a une grande portée sur le processus de réforme de l’agriculture de l’OMC. Il s’ensuit que chaque pays devrait être autorisé, conformément à des règles mutuellement admises, à garantir un certain niveau de production interne et toute réforme du système commercial multilatéral en agriculture devrait prévoir la future coexistence de différentes formes d’agriculture à travers les pays et le régions.

16.Le principe de la coexistence est cohérent avec l’objectif de la mise en place du système commercial agricole équitable et axé sur le marché visé à l’article 20 et dans le préambule de l’Accord sur l’agriculture. Il est difficile d’envisager la réalisation de cet objectif sans que ne soit reconnu le droit de chaque pays de prendre en compte les CAOC et que ne soit élaboré un système commercial multilatéral permettant à chaque pays d’exercer ce droit.

3 DIVERSITÉ DES CONDITIONS DE PRODUCTION

17.Le chapitre précédent est arrivé à la conclusion que les CAOC dépendent dans une large mesure de la production interne. Il faudrait donc permettre la coexistence de différents types d’agriculture, dans les zones à faible potentiel aussi bien que dans celles à haut potentiel. Le principe de la coexistence suppose la reconnaissance de la diversité des conditions de production. Par conséquent, les conditions de production de chaque pays sont à prendre en considération et doivent être reconnues et dûment prises en compte dans la conception des politiques agricoles et de la réforme du commerce multilatéral.

18.Les conditions de production diffèrent sensiblement d’un pays membre de l’OMC à l’autre, ces différences étant dues aux conditions physiques et naturelles (telles que le climat, le sol et la topographie), au contexte social et culturel (les structures agricoles, par exemple) ou à la situation institutionnelle et économique (les infrastructures et le coût de la main-d’œuvre). En raison de cette grande diversité des conditions de production, les coûts de la production agricole varient considérablement à l’intérieur des pays aussi bien que d’un pays à l’autre.

19.Par suite de la pauvreté des sols, des conditions climatiques difficiles (par exemple, des précipitations sporadiques et insuffisantes), de l’exiguïté des exploitations, des infrastructures défaillantes et de l’accès limité aux nouvelles technologies, beaucoup de pays en voie de développement doivent faire face à des coûts de production supérieurs à la moyenne mondiale. Ces différentiels de coûts contribuent à définir la mesure dans laquelle chaque membre de l’OMC est à même de jouer un rôle ou non dans la concurrence sur les marchés agricoles mondiaux.

20.Dans les pays en voie de développement et les économies en transition, en particulier, les coûts de production ne varient pas seulement dans l’espace (c’est-à-dire entre les pays et les régions), mais peuvent aussi évoluer au fil du temps. Par exemple, l’introduction des nouvelles technologies et des adaptations structurelles peuvent déboucher sur une réduction des coûts, mais plusieurs facteurs peuvent avoir l’effet inverse. Les coûts de la main-d’œuvre peuvent connaître une progression à la suite de la croissance et du développement économique général. Dans le cas des productions à haute densité de main-d’œuvre, un tel accroissement peut avoir une influence décisive sur la compétitivité d’ensemble. La protection naturelle dont bénéficie à l’agriculture dans beaucoup de pays en voie de développement et de pays en transition en raison de l’insuffisance des infrastructures est un autre facteur qui influe sur la compétitivité du secteur. Par exemple, l’amélioration des communications par la modernisation des ports, des routes et des chemins de fer renforcera l’intégration du marché et pourrait déboucher sur un alourdissement des pressions à l’importation. 6Il va sans dire que ces exemples ne sont nullement à considérer comme des arguments contre le développement économique.

21.Dans le cas des zones à faible potentiel aux conditions de production défavorables, l’amélioration de l’efficience et des méthodes production à la suite de l’introduction des nouvelles technologies peut ne pas suffire pour compenser entièrement l’accroissement des coûts de la main-d’œuvre et des pressions à l’importation provoqué la suppression de la protection naturelle. Dans ces cas, des mesures prises par les pouvoirs publics peuvent se révéler être le seul moyen de soutenir la production interne.

4 LA NÉCESSAIRE FLEXIBILITÉ DANS LA CONCEPTION DE LA POLITIQUE NATIONALE

22.Les chapitres précédents ont mis en lumière la diversité des situations qui caractérisent les membres de l’OMC dans le temps et l’espace. En fait, au sein de l’OMC, il n’y a probablement pas deux membres partageant exactement les mêmes objectifs et connaissant des conditions de production identiques. Chacun a sa propre situation. Devant une telle diversité, diviser les pays en deux groupes seulement, à savoir les pays en voie de développement et les pays industrialisés, n’a probablement pas beaucoup de sens. Les différences entre ces deux groupes sont probablement aussi marquées qu’elles le sont à l’intérieur de ceux-ci. À titre d’exemple, les intérêts des exportateurs d’un pays en développement à faible coût diffèrent sensiblement de ceux de l’agriculture fragile d’un grand nombre de pays moins avancés ou enclavés, voire des petits États insulaires en développement. Parmi les pays industrialisés, les mêmes différences existent entre les exportateurs de grande dimension pratiquant des coûts réduits et les exportateurs de petite taille produisant à des coûts élevés. Par ailleurs, les économies en transition ont à relever les défis qui leur sont propres.

23.Par conséquent, indépendamment de l’état de développement et du niveau du PIB, un des principaux motifs de conflit dans les négociations agricoles de l’OMC résidera dans la démarcation entre les pays performants à maîtrise des coûts, d’une part, qui souhaiteraient que les échanges agricoles soient exempts de toute restriction commerciale, et les pays aux conditions de production défavorables et désavantagées, d’autre part, dont l’agriculture n’est pas viable sans soutien ou protection.

24.Il s’ensuit que, bien que chaque pays ait à relever ses propres défis, un grand nombre de membres de l’OMC partagent une palette d’aspirations communes dans le cadre des négociations de l’OMC sur l’agriculture actuellement en cours. Unis dans leur diversité, ces pays opposent inflexiblement une approche unique applicable à tous, qui ne tient aucun compte des différences entre les conditions de production. En lieu et place, ils préconisent une reconnaissance constructive et fonctionnelle des CAOC par un système commercial multilatéral suffisamment flexible pour faire place à ces préoccupations dans les différentes conjonctures que vivent les membres.

25.Tous les membres de l’OMC reconnaissent l’importance des règles relatives aux échanges agricoles multilatéraux. Nous dépendons tous de la fermeté d’un système commercial multilatéral suffisamment uniforme pour garantir à tous les membres la transparence, la prévisibilité, l’égalité de traitement et l’équité. Par conséquent, la flexibilité requise dans le contexte des négociations ne devrait pas être une carte blanche pour adopter toutes sortes de politiques. Il semble par exemple difficile de justifier des mesures concernant la concurrence à l’exportation par l’affirmation qu’elles font partie d’une stratégie à long terme de défense des CAOC.

26.Toutefois, la flexibilité devant être introduite dans la conception de la politique agricole ne doit pas être considérée comme une menace pour le système commercial multilatéral. Au contraire, la crédibilité et la légitimité du système commercial multilatéral dans l’agriculture seront évaluées en fonction de la capacité de celui-ci de réaliser des objectifs politiques légitimes d’une manière satisfaisant tous les membres.

27.Pour certains pays, les engagements échelonnés qu’ils ont pris dans le cadre de l’OMC offrent déjà une flexibilité suffisante. Dans ces cas, l’enjeu des négociations consisterait fondamentalement à maintenir une flexibilité suffisante pour défendre les CAOC à longue échéance. Dans le cas d’autres pays, notamment de certains pays en voie de développement et des économies en transition, la flexibilité existante aurait pu se révéler insuffisante. Pour ces pays, un surcroît de flexibilité pourrait donc être requis, éventuellement dans le cadre des dispositions relatives au traitement spécial et différencié (S&D).

28.Le défi que nous avons à relever consiste donc à mettre au point un train de règles flexibles en matière d’échanges agricoles multilatéraux, qui tiennent dûment compte des situations nationales spécifiques tout en évitant une fragmentation de l’ensemble du système commercial multilatéral. Ce faisant, il est nécessaire d’admettre que, compte tenu des spécificités de l’agriculture, comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents, les seules forces du marché ne suffisent pas à défendre les CAOC. Une intervention des pouvoirs publics, pouvant atteindre une ampleur considérable, peut parfois être requise dans le secteur agricole pour sauvegarder la production interne nécessaire à la défense des CAOC.

5 LES LIMITES DE LA SEULE APPROCHE CONCERNANT LES MESURES DE LA BOÎTE VERTE

29.Quelles mesures pourraient effectivement être requises pour défendre les CAOC? Selon certains pays, les mesures de la Boîte verte seraient les seuls instruments légitimes et appropriés pour prendre en compte les CAOC. Ces mesures sont indiscutablement des instruments importants et valables pour concevoir la politique agricole en général et pour tenir compte des CAOC en particulier.

30.Cependant, à la lumière des nombreuses propositions de négociation soumises par des membres de l’OMC pendant la première phase des négociations agricoles, on peut se demander si les seules mesures de la boîte verte sont suffisantes pour prendre en compte les CAOC. Les limites d’une approche uniquement fondée sur la boîte verte tiennent à un certain nombre de facteurs, dont trois en particulier sont généralement cités. 7Voir la proposition norvégienne (contenue dans G/AG/NG/W/101), et notamment le chapitre 6, pour plus de détails. En premier lieu, comme l’indique le chapitre 3, les conditions prescrites pour la mise en œuvre des instruments de la Boîte verte et notamment la condition prévoyant l’absence d’effets ou des effets minimes sur la production et les échanges peut, dans une certaine mesure, être inopportune pour la prise en compte des CAOC. Tel peut notamment être le cas d’un grand nombre de pays en voie de développement qui se battent pour promouvoir la production interne. La remarque peut cependant valoir aussi pour d’autres pays aux conditions de production défavorables, pour lesquels le recours aux mesures de la seule boîte verte pourrait ne pas offrir d’encouragements suffisants pour soutenir la production interne nécessaire à la prise en compte des CAOC.

31.En deuxième lieu, l’application des conditions détaillées et spécifiques de la boîte verte pourrait entraîner un important surcroît de frais de contrôle et de gestion dans tous les pays. Ce serait notamment le cas si un des membres devait renoncer à toutes les autres mesures pour réaliser des objectifs autres que d’ordre commercial par un recours généralisé aux seules mesures de la boîte verte.

32.Troisièmement, les mesures de la boîte verte supposent des transferts budgétaires qui pourraient être impossibles à effectuer, particulièrement dans les pays en voie de développement et les économies en transition.

33.Le système commercial multilatéral dans le secteur agricole devrait donc mettre en place des mesures combinées assurant, d’une part, une prise en compte appropriée des CAOC, y compris dans les zones à faible potentiel, et, d’autre part, une distorsion aussi minime que possible des échanges. La question des effets de substitution devrait être abordée en gardant à l’esprit l’équilibre des intérêts. Tout compte fait, dans un système commercial mondial, chacun exerce un impact sur l’autre et réciproquement et l’enjeu réside dans la recherche de solutions suffisamment équilibrées pour être acceptées par tous les membres.

34.Une attention particulière doit être réservée aux exigences des pays en voie de développement. Le traitement spécial et différencié (S&D) fait partie intégrante du système commercial multilatéral ainsi que de l’Accord sur l’agriculture et est justifié par un certain nombre d’exigences particulières, dont plusieurs sont interdépendantes, qui caractérisent la plupart des pays en voie de développement. À titre d’exemple, en matière d’objectifs à atteindre, les pas en voie de développement ont à relever plusieurs défis au sein de leur processus de développement qui sont propres à leur stade de développement. Par ailleurs, beaucoup de pays en voie de développement doivent faire face à des problèmes particuliers en raison de leurs capacités budgétaires ou administratives limitées. Certains problèmes peuvent également être liés à l’historique du soutien et de la protection de l’agriculture dans chaque pays, sur la base desquels les niveaux d’engagement actuels ont été établis.

35.Pour tenir compte des exigences spéciales des pays en voie de développement, un certain nombre de propositions ont été présentées par des pays en développement aussi bien que par des pays industrialisés. Selon la majorité de ces propositions, il semblerait que le traitement S&D existant ne serait pas suffisant, de sorte que des mesures supplémentaires sont suggérées.

36.La légitimité des S&D ne peut être remise en question, de même qu’il ne faut pas sous-estimer leur finalité et leur potentiel. Toutefois, si le traitement S&D est incontestablement nécessaire, il se pourrait que, seul, il ne suffise pas à satisfaire les exigences à long terme des pays en voie de développement.

37.En raison du caractère contraignant des engagement de l’OMC, les membres devraient aborder les négociations dans une perspective à long terme. Par exemple, comme l’indique le chapitre 3, à longue échéance, sous certaines conditions, les coûts de production agricole peuvent augmenter, par exemple, à la suite d’un accroissement des coûts de la main-d’œuvre et de la disparition de la protection naturelle. Une intervention des pouvoirs publics par des mesures diverses peut constituer le seul moyen de soutenir la production interne et, à cette fin, le traitement S&D peut se révéler insuffisant. De même, au fur et à mesure que l’économie d’un pays en développement évolue, elle pourrait ne plus remplir les conditions du traitement S&D pour dépendre ainsi des seules règles générales. 8Actuellement, c’est l’ONU qui attribue le staut de PMA aux pays en voie de développement, alors que la qualification générale de pays en voie de développement est le résultat d’une auto-désignation. Au cours des négociations OMC, lors de l’examen des propositions relatives au traitement S&D, il est probable que la question complexe de la classification sera mise à l’ordre du jour.

38.Enfin, le consensus général auquel sont parvenus beaucoup de membres de l’OMC semble indiquer que, s’il convient de consolider le traitement S&D, celui-ci ne devrait pas finir par constituer un ensemble de règles complètement séparé. Il y a lieu de préserver l’intégrité du système commercial multilatéral pour éviter toute fragmentation inutile et indésirable et le traitement S&D devrait devenir un complément des règles générales du système sans se transformer en un régime de remplacement. Par conséquent, tout bien considéré, dans la poursuite du processus de réforme, il faut faire en sorte que les règles générales du système commercial multilatéral soient perfectionnées de manière à satisfaire les exigences à long terme de tous les pays, y compris les membres en voie de développement.

QUESTIONS À EXAMINER

Question 1:

Le document décrit la diversité caractérisant les CAOC en matière de mesures à prendre. Quelles sont les principales CAOC de votre pays?

Question 2:

Dans quelle mesure et à quelles conditions, la production interne est-elle nécessaire pour prendre en compte les CAOC?

Question 3:

Le document fait allusion à la diversité des conditions de production. Dans quelle mesure ces conditions de production sont-elle décisives pour la compétitivité d’un pays dans le secteur agricole?

Question 4:

Quelle est l’incidence de cette diversité des conditions de production sur les négociations de l’OMC?

Question 5:

Dans quelle mesure l’intervention des pouvoirs publics dans l’agriculture est-elle justifiée?

Question 6:

Les mesures de la boîte verte sont-elles suffisantes pour prendre en compte les CAOC dans votre pays?

Question 7:

Si les mesures de la boîte verte sont insuffisantes, quelles mesures supplémentaires seraient les plus appropriées pour votre pays?