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LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, PRÉOCCUPATION D'ORDRE NON-COMMERCIAL

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Published under: Stoltenberg's 1st Government

Publisher: Ministry of Agriculture

LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, PRÉOCCUPATION D'ORDRE NON-COMMERCIAL

Conférence internationale sur les considérations autres que d'ordre commercial dans le secteur agricole

Île Maurice, 28 – 31 mai 2001

Document de travail n°3

présenté par le Japon

INTRODUCTION

1.Indispensables au maintien de la vie et de la santé humaine, les denrées alimentaires comptent parmi les produits absolument essentiels. Pour le Sommet mondial sur l'alimentation qui a été accueilli par la FAO en 1996, "il y a sécurité alimentaire lorsque tous les individus, à tout moment, ont un accès matériel et économique à une alimentation suffisante, saine et nutritive, conforme à leurs besoins nutritionnels et à leurs préférences alimentaires leur permettant de mener une vie active et saine". Étant donné la forte instabilité des prix des produits agricoles et les incertitudes qui pèsent sur les approvisionnements alimentaires, inhérentes à la nature de la production agricole, la sécurité alimentaire est devenue, pour un grand nombre de pays, une des grandes préoccupations d'ordre non commercial dans le débat sur la politique agricole. Comme le nombre de personnes qui souffrent actuellement de malnutrition est supérieur à 800 millions dans le monde, - on peut penser que l'objectif défini dans le plan d'action de la FAO de 1996 visant à réduire de moitié d'ici 2005, au niveau mondial, le nombre des personnes concernées ne pourra probablement être atteint qu'au prix de nouveaux efforts à l'échelle internationale - , la sécurité alimentaire figure en bonne place à l'ordre du jour des négociations agricoles de l'OMC : l'objectif que constitue la sécurité alimentaire ne peut être réalisé que si les instruments qui permettent de la mettre en œuvre bénéficient de la sécurité juridique nécessaire dans le cadre des différentes règles de l'OMC.

1 DISCUSSION PORTANT SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE LORS DE LA PREMIÈRE CONFÉRENCE CAOC

2.La sécurité alimentaire a été une des principales questions discutées à la conférence CAOC qui s'est tenue en juillet 2000 à Ullensvang (Norvège). Le document de travail établi conjointement par le Japon et la république de Corée a mis en évidence les points suivants :

  1. Un certain nombre de facteurs influent sur l'instabilité, à court terme, de l'offre et de la demande alimentaires, appelée encore à s'aggraver à l'avenir.
  2. L'accroissement de la population mondiale et les changements dans les habitudes alimentaires augmenteront la demande en denrées alimentaires. Or, il existe un certain nombre de contraintes qui pèsent sur l'augmentation de la production.
  3. Si l'on veut arriver à la sécurité alimentaire aux moindres coûts, une répartition optimale entre importations, stocks et production interne est indispensable.
  4. La meilleure solution pour chaque pays varie en fonction de sa situation spécifique et ne peut résulter du libre jeu des forces du marché. Pour trouver cette solution, il convient de prendre pleinement en compte les effets externes et les aspects de services collectifs que représentent la sécurité alimentaire, de même que l'élément de risque (incertitude dans la fourniture). En outre, les multiples fonctions de l'agriculture en dehors de la sécurité alimentaire (telles que la conservation des sols, l'entretien des ressources en eau, la protection de l'environnement, le renforcement de la viabilité socio-économique et le développement des zones rurales) devraient être prises en considération comme il convient et simultanément.
  5. Chaque pays a le droit de rechercher la meilleure combinaison possible entre production interne, importations et stocks publics pour garantir sa sécurité alimentaire. Il devrait être possible aux différents pays de poursuivre, dans un cadre international bien conçu, leurs objectifs respectifs en fonction de leur production interne, de l'accès à un marché mondial stable et prévisible et de la diversité des ressources des importations alimentaires. En même temps, le problème et les besoins des pays en développement devraient être pleinement pris en compte et apparaître comme il convient dans les résultats des négociations de l'OMC.

3.Le président de la session résume les discussions en déclarant que le débat sur la sécurité alimentaire a illustré la diversité des situations et des politiques agricoles des pays les moins développés, des pays en développement, des petits États insulaires en développement (SIDS), des économies en transition et des pays développés. La sécurité alimentaire doit assurer, à tout le moins, la fourniture de produits de première nécessité : le meilleur moyen d'y arriver réside dans un juste dosage entre production interne, importations et stocks. À cet égard, l'impact des nouvelles méthodes de production et des possibilités de transfert des technologies devrait être également examiné dans le contexte de l'OMC. Étant donné le défi de l'évolution démographique de nombreux pays, il importe d'envisager le problème de la sécurité alimentaire de manière dynamique.

2 PROBLÈMES DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE EXPOSÉS DANS LES PROPOSITIONS DE NÉGOCIATION PRÉSENTÉES PAR LES MEMBRES DE L'OMC

4.La plupart des propositions de négociation présentées jusqu'ici à la session spéciale du Comité de l'agriculture de l'OMC se rapportent, d'une manière ou d'une autre, à la sécurité alimentaire, ce qui reflète l'importance de ce problème dans les négociations. D'une manière générale, aucun pays ne soutient, semble-t-il, que la sécurité alimentaire peut être atteinte par le seul jeu des forces du marché. Les pays comme ceux du groupe de Cairns et les États-Unis, eux aussi, reconnaissent le besoin de flexibilité dans les règles applicables aux pays en développement pour arriver à la sécurité alimentaire. Les points concernant la sécurité alimentaire soulevés par différents pays dans leurs propositions de négociation sont résumés de manière détaillée ci-après.

5.Il convient de souligner d'emblée que, dans la plupart des cas, les propositions ont un caractère global, s'agissant d'un ensemble dont les différents éléments sont interdépendants. Les propositions de chacun des pays ne peuvent donc être comprises que dans ce contexte. Les propositions sont regroupées, ici, non par pays mais en fonction des trois types de mesures appliquées pour garantir la sécurité alimentaire, telles qu'elles ont été identifiées dans le document de Ullensvang : les mesures destinées à garantir la production interne, celles qui sont destinées à garantir la stabilité des importations et celles qui visent à assurer des stocks suffisants. À cet égard, les interconnexions entre les problèmes évoqués dans les propositions de négociation des pays pourraient ne pas apparaître comme il convient (une description complète des propositions se trouve sur le site web de l'OMC : http://www.wto.org). En outre, il convient de noter que certains éléments des propositions peuvent être à l'avantage d'un aspect déterminé de la sécurité alimentaire, tout en étant préjudiciables à d'autres aspects (p. ex. les subventions à l'importation peuvent entraver le développement de la production locale tout en ayant un effet positif sur la capacité des pays en développement, importateurs de denrées alimentaires, de se procurer ce type de produits).

Les mesures permettant de garantir la production interne

6.La nécessité du développement et du maintien d'un certain niveau de production interne afin d'assurer la sécurité alimentaire est admise par un grand nombre de pays. Par exemple, dans la proposition soumise conjointement par 11 pays en développement (G/AG/NG/W/13), il est souligné que la sécurité alimentaire est liée à la sécurité nationale et que la production intérieure offre plus d'avantages à la société, même si elle semble être moins efficiente d'un strict point de vue économique. L'Inde (W/102) affirme que, dans les pays en développement, l'accès matériel aux denrées alimentaires ne peut être assuré que par un certain taux minimal d'autosuffisance. L'Égypte et le Nigeria (W/107 et 130) préconisent également, dans leurs propositions, le maintien d'un certain niveau d'auto-approvisionnement.

7.Pour développer et assurer la production interne, un certain nombre de propositions recommandent de la flexibilité dans les règles relatives au soutien interne. La Norvège, notamment, propose de distinguer, en matière de soutien interne, les produits destinés à être consommés dans le pays et ceux qui sont destinés à être exportés, ces derniers étant soumis à des règles plus strictes. La révision de la boîte verte est proposée dans la perspective de la sécurité alimentaire [exemple : Japon (w/91), Suisse (w/94)].

De nombreux pays proposent également d'accorder une certaine flexibilité aux pays en développement dans la perspective de leur sécurité alimentaire, tels qu'ASEAN (w/55), le Japon (w/91), la Corée (w/98), la Norvège (w/101), la Pologne (w/103), le Nigeria (w/130). Une révision des critères de la Boîte verte (par exemple, les États-Unis (w/15), le groupe de Cairns (w/35), la C.E. (w/90), la Norvège (w/101) est proposée dans cette même perspective, ainsi que l'exemption de toutes les mesures pour stimuler la production interne des pays en développement (par exemple, l'Inde (w/102), le Nigeria (w/130)) et une révision du niveau du "de minimis" pour les pays en développement (exemple: 11 pays en voie de développement (w/13), la C.E. (w/90)).

8.Une certaine flexibilité est également préconisée dans les règles relatives à l' accès au marché de manière à empêcher que les importations à bas prix ne portent préjudice aux agriculteurs et à la production locale. Des pays, tels le Japon (w/91), la Corée (w/98) et la Norvège (w/101), proposent d'introduire une certaine souplesse dans la réduction des droits de douane et/ou le volume des contingents tarifaires concernant des produits importants, à la fois pour les pays en développement et pour les pays développés. La flexibilité dans la réduction des droits de douane, pour ce qui est des pays en développement, est proposée par le groupe de Cairns (w/54), le Japon (w/91), la Corée (w/98), la Suisse (w/94), la Pologne (w/103), la république démocratique du Congo (w/135), le Kenya (w/136), la Turquie (w/106) tandis que les États-Unis (w/15) prônent la flexibilité pour les PMA. D'autres propositions prévoient l'adaptation du niveau des droits de douane, en ce qui concerne les pays en développement (ex: 11 pays (w/13), l'Inde (w/102)), différentes modalités pour les pays en développement (ex: ASEAN (w/55), le Maroc (w/105)) ou les petites économies en développement (ex: CARICOM (w/100), la Jordanie (w/140)), l'exemption des produits sensibles des engagements de réduction (Île Maurice (w/96)). De plus, de nombreux pays en développement proposent l'extension de mesures de sauvegarde similaires pour couvrir leurs produits, que ces produits soient soumis ou non à la tarification dans le cadre du cycle d'Uruguay (ex: 11 pays (w/13), l'Inde (w/102), le Maroc (w/105), CARICOM (w/100), et également la Norvège (w/101)). À cet égard, le Japon (w/91) et la Corée (w/98) proposent un nouveau mécanisme de sauvegarde pour les produits agricoles saisonniers et périssables. La Suisse a suggéré un certain nombre de simplifications à apporter aux mesures de sauvegarde similaires, notamment sous la forme d'une redevance proportionnelle supplémentaire qui serait uniforme (w/94).

9.Dans le domaine de la concurrence à l'exportation, la plupart des pays proposent d'éliminer ou de réduire les subventions à l'exportation, de même que le crédit à l'exportation et autres mesures visant à encourager l'export.

10.Un certain nombre de pays en développement recommandent que l' assistance technique destinée à valoriser leur production et leur productivité interne soit renforcée, idée que l'on retrouve dans de nombreuses propositions de pays développés. Cette proposition d'assistance comprend, notamment dans le contexte de la mise en œuvre des différents accords OMC, l'accès à une technologie agricole appropriée. La création d'un fonds international d'assistance technique et financière figure dans une proposition de 16 pays concernant la mise en œuvre de la décision de Marrakech (G/AG/W/49), tandis qu'un fond spécial d'investissement agricole a été proposé par le Sénégal (w/137). Le Maroc (w/105) propose la mise en place d'un fonds international destiné à financer la multifonctionnalité et notamment à garantir la sécurité alimentaire par le soutien de la production interne.

Mesures permettant de garantir la stabilité des importations

11.Cette question est en rapport avec la nécessité du développement économique des pays en développement qui exige un meilleur accès au marché pour leurs produits, afin qu'ils puissent obtenir suffisamment de devises. En même temps, alors que des pays, tels que les États-Unis et le groupe de Cairns, insistent sur la nécessité d'une amélioration de l'accès au marché pour garantir la sécurité alimentaire mondiale, un certain nombre de pays en développement, et notamment ceux qui dépendent d'un petit nombre de produits pour leur gains d'exportation, soulignent l'importance des accords préférentiels [p. ex. CE (w/90), Île Maurice (w/96), SIDS (w/97), CARICOM (w/100), le Kenya (w/136), le Groupe africain (w/142), la Namibie (w/143)]. CARICOM (w/100) propose la création d'un fonds d'assistance technique pour aider les pays en développement à se conformer aux normes et règlements des marchés d'exportation.

12.Pour garantir les importations indispensables, de nombreux pays, dont le groupe de Cairns (w/11), les États-Unis (w/15), le Japon (w/91), la Suisse (w/94), la Corée (w/98), la république démocratique du Congo (w/135) et la Jordanie (w/140), proposent de renforcer les règles relatives à l'interdiction et à la limitation des exportations qui pourraient entraver la sécurité alimentaire des pays en développement.

13.Quoiqu'un grand nombre de pays demandent la réduction, voire l'élimination des subventions à l'exportation et d'autres mesures en faveur des exportations, l'Île Maurice (w/96) propose, à l'égard de ce problème, une approche prudente et pragmatique, étant donné que ces mesures peuvent avoir un effet positif sur la capacité des pays qui ne peuvent produire qu'un ou deux produits, en raison de facteurs agroclimatiques, de s'approvisionner en denrées alimentaires. Le Sénégal (w/137) signale également qu'il convient de prévenir l'effet négatif d'une réduction des subventions à l'exportation; de nombreux pays soulignent l'importance de la mise en œuvre de la décision de Marrakech dans ce contexte, notamment la proposition des 16 pays (G/AG/W/49).

14.Si un certain nombre de propositions demandent des règles plus strictes en ce qui concerne l'aide alimentaire pour éviter que les engagements en matière de subventions aux exportations ne soient contournés, il y a des demandes émanant de pays en développement en faveur d'une aide alimentaire internationale, plus importante et plus stable. La proposition des 16 pays en faveur de la mise en œuvre de la décision de Marrakech (G/AG/W/49) réclame la création d'un fonds international auquel il pourrait être fait appel lorsque les prix du marché mondial sont élevés et la proposition égyptienne (w/107) demande, elle aussi, la création d'un fonds qui aiderait les PDINDA (pays en développement importateurs nets de denrées alimentaires) et les PMA à acheter ce dont ils ont besoin sur le marché à des prix non subventionnés.

Mesures en faveur de stocks suffisants

15.Alors qu'il n'y a que peu de propositions concernant les stocks internes, cette mesure figurant déjà dans la Boîte verte, l'Île Maurice (w/96) propose qu'une réserve internationale de denrées alimentaires soit instaurée par les pays donneurs. Le Japon (w/91) propose qu'on envisage la possibilité de mettre en place un cadre permettant la création d'un stock alimentaire international auprès duquel il serait possible d'emprunter des denrées alimentaires en cas de pénurie temporaire. Aux termes de la proposition des 16 pays pour la mise en œuvre de la décision de Marrakech (G/AG/W/49), les pays producteurs s'engageraient à mettre en place des réserves alimentaires nationales suffisantes, correspondant aux besoins normaux d'importation des PDINDA et des PMA.

3 SUJETS ÉVENTUELS DE Discussion LORS DE LA DEUXIÈME ConfÉrence CAOC

16.Compte tenu des considérations évoquées ci-dessus, les participants pourraient souhaiter discuter les points suivants, ce qui pourrait contribuer au processus des discussions techniques envisagées lors du Comité de l'agriculture de l'OMC cette année:

  1. Les participants reconnaissent-ils la nécessité d'une juste combinaison entre production interne, importations et stocks pour garantir la sécurité alimentaire ? Quelle est la relation entre la sécurité alimentaire et un environnement commercial plus libéralisé ?
  2. Quelles seront les mesures nécessaires pour maintenir un certain niveau de production interne ?
  3. Quelles sont les mesures qui contribueront à assurer la stabilité des importations ? Quel est le mécanisme qui contribuera le mieux à garantir la fourniture, à suffisance et dans les délais, d'une aide alimentaire, sans réduire à néant la capacité de production locale des pays bénéficiaires ?
  4. La disposition actuelle de la Boîte verte concernant les stocks est-elle suffisante pour garantir la sécurité alimentaire ? Que pensent les participants de l'idée d'un stock alimentaire international et d'un fonds international correspondant ?
  5. La situation concernant la sécurité alimentaire est variable : elle reflète la diversité des situations agricoles constatées entre les pays les moins développés, les pays en développement, les petits pays insulaires en développement, les pays enclavés, les économies en transition et les pays développés. Alors que la sécurité alimentaire est une préoccupation commune à tous les pays, il n'y a pas de solution unique adaptée à tous. Des mesures uniformes ne suffiront pas. Quel type d'approche sera le plus efficace pour faire face aux besoins de différents pays afin de maintenir et d'améliorer la sécurité alimentaire ?
  6. Compte tenu de la discussion concernant les points 1) à 5) ci-dessus, quel type de flexibilité est-il requis dans les règles applicables a) au soutien interne, b) à l'accès aux marchés et c) aux mesures en faveur de l'exportation ?

Note: Les numéros de document (w/ --) remplacent W/AG/NG/W/--, qui ont été présentés à la session spéciale du Comité de l'agriculture de l'OMC, alors que la proposition des 16 pays pour la mise en œuvre de la décision de Marrakech(W/AG/W/49) a été présentée à la session normale du Comité.