Agenda de la réforme du système européen des droits de l’homme
Historisk arkiv
Publisert under: Regjeringen Bondevik II
Utgiver: Utenriksdepartementet
Tale/innlegg | Dato: 18.10.2004
Vérifier à l’audition
Allocution de Monsieur Jan Petersen Ministre des Affaires Étrangères de Norvege
Agenda de la réforme du système européen des droits de l’homme
Séminaire de haut niveau sur la réforme du système européen des droits de l'homme 18 octobre 2004 Oslo, Norvège
Votre Altesse Royale, Excellences, Mesdames et Messieurs,
En ma qualité de Président du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, je vous souhaite tous la bienvenue à ce séminaire qui a été organisé par le Ministère norvégien des Affaires étrangères avec l’assistance du Secrétariat du Conseil de l’Europe.
Nous sommes très heureux que d’éminents représentants de la Cour européenne des Droits de l’Homme et du Conseil de l’Europe et des experts renommés venant de différentes parties de l’Europe aient pu se joindre à nous aujourd’hui. Je salue tout particulièrement la présence du Président de la Cour, son greffier et le représentant du Secrétaire général du Conseil de l’Europe.
Ce séminaire sur la réforme du système européen des droits de l’homme relève l’une des priorités clés de la présidence norvégienne. Partout en Europe des individus placent leur ultime espoir dans la Cour de Strasbourg lorsque leurs droits et libertés fondamentales sont en jeu. C’est grâce à la Cour que la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme est devenue un instrument vivant qui s’est adapté aux conditions modernes.
Cette Cour est largement perçue comme la première Cour des droits de l’homme dans le monde, et à juste titre. Le fait que son influence s’amplifie même en dehors de l’Europe est remarquable. Les autres instances des droits de l’homme ne sont pas les seules à avoir puisé dans sa riche jurisprudence, c’est également le cas des cours suprêmes nationales d’Etats appartenant à d’autres continents et notamment les tribunaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et du Rwanda. La Cour de Strasbourg contribue ainsi au développement du droit international, à la promotion de nos valeurs communes et jouit d’une légitimité unique au niveau mondial.
En tant que membres et représentants du Conseil de l’Europe et de la Cour, nous avons raison d’être fiers de ce qui a été réalisé.
En même temps, il ne faut pas que ce sentiment de fierté nous conduise à la complaisance.
Le formidable succès de la Cour en soi a contribué à l’augmentation rapide du flux de requêtes individuelles. L’important arriéré d’affaires pendantes et aussi le fait que les Etats n’ont parfois pas réussi à assurer l’exécution efficace des arrêts rendus sont devenus des défis majeurs. Il faut trouver une solution à ces défis si nous voulons préserver notre système viable et efficace de sauvegarde des droits de l’homme en Europe. À ce moment même où nous examinons ces questions, plus de 75 000 individus, dont certains se trouvent dans une situation désespérée, restent dans l’attente que leur requête soit examinée. Donc il est clair que nous n’avons pas de temps à perdre.
La Cour européenne des Droits de l’Homme, en tant que Cour du dernier ressort, répond aux besoins des droits de l’homme de 800 millions d’habitants. Par conséquent, il n’est pas surprenant que les défis sur le plan pratique et théorique soient nombreux et de nature diverse. En même temps, les ressources disponibles pour répondre à ces besoins sont apparemment limitées.
La façon de relever ces défis a aussi une porté plus large sur le débat sur la division de travail entre les systèmes nationaux et internationaux, et sur la meilleure forme de coopération entre ces deux niveaux. Que nous parlions de complémentarité entre la justice pénale internationale et les systèmes nationaux, ou de subsidiarité, comme c’est le cas entre la Cour de Strasbourg et les systèmes nationaux, l’idée principale est que les problèmes doivent avant tout être résolues aux niveaux local et national. Il incombe aux Etats d’assumer pleinement leurs obligations internationales.
Des questions portant sur la division de travail sont courantes dans les structures fédérales. Or les cours internationales ne sont pas des cours fédérales, et elles ont des rapports avec des Etats souverains qui ont des traditions et des cultures judiciaires différentes et ainsi des marges d’appréciation reconnues par Cour de Strasbourg. La Convention et la Cour n’ont pas été créées pour remplacer les gouvernements ou pour retirer d’importants domaines du champ de la réglementation nationale. Les Etats ont toujours l’obligation et la responsabilité principales quand il s’agit de protéger les droits de l’homme par la mise en œuvre de la Convention sur le plan national. Au plan international, la Cour de Strasbourg constitue l’ultime filet de sécurité.
En outre, le droit fondamental des individus de pouvoir introduire des recours devant la Cour est un trait caractéristique et un principe essentiel du système de Strasbourg. Je tiens à souligner que ce droit n’est pas remis en question, ni la Cour unique qui a été créée suite à la réforme de 1998, en vertu du Protocole n° 11. Nos priorités sont l’organisation et les procédures de la Cour, une exécution plus efficace des arrêts et le besoin de mesures nationales plus adaptées. En d’autres termes plus concrets, la question soumise à ce séminaire est tout simplement : que faut-il faire à présent avec:
- la Cour elle-même,
- le Conseil de l’Europe,
- et les Etats membres ?
La série de réformes adoptées par le Comité des Ministres au mois de mai, y compris le Protocole n° 14 et plusieurs autres textes, représente un tournant. En même temps l’adoption de ces textes ne représente qu’un point de départ. Un suivi concret doit maintenant être assuré par la Cour et le Comité des Ministres, leurs organes subsidiaires et les autres organes du Conseil de l’Europe, et, enfin et non le moindre, par les Etats membres au niveau national.
Quelques questions primordiales se posent à cet égard : Comment s’assurer que les ressources de la Cour soient affectées aux affaires les plus importantes ? Et comment faire pour éviter d’être inondé par des affaires irrecevables? Je voudrais vous indiquer quelques-unes des plus grandes priorités de la Norvège durant sa présidence, tout en gardant présentes à l’esprit ces questions primordiales:
- Premièrement, promouvoir les mesures nécessaires pour assurent une prompte entrée en vigueur du Protocole n° 14 et la mise à profit de tout son potentiel ;
- Deuxièmement, soutenir des actions efficaces entreprises pour assurer le suivi de toutes autres mesures de réforme mises en place par les organes compétents du Conseil de l’Europe, notamment celles du Comité des Ministres ;
- Troisièmement, se concentrer davantage sur des mesures spécifiques et efficaces pour améliorer et accélérer l’exécution des arrêts rendus par la Cour, notamment ceux qui révèlent un problème systémique sous-jacent :
Le premier point concerne le Protocole n° 14 amendant le système de contrôle établi par la Convention. L’objectif étant de rendre le système plus efficace tout en préservant, en tant que pilier du système européen de sauvegarde des droits de l’homme, le droit des individus à introduire des requêtes. L’entrée en vigueur du protocole pourrait contribuer considérablement à l’élimination des retards dans le travail de la Cour et permettra au Greffe et à la magistrature de la Cour de prendre eux-mêmes des mesures en adoptant par exemple des procédures abrégées ou sommaires. Il est urgent de permettre à la Cour de prendre le plus rapidement possible de telles mesures. Nous, les Etats, pouvons y apporter notre contribution en signant et ratifiant rapidement le Protocole. J’invite les participants de ce séminaire à examiner comment faire en sorte que ce Protocole puisse entrer en vigueur bien avant mai 2006. Il y a lieu de noter que la ratification du protocole, dans la plupart des cas, ne nécessite pas de nouvelle législation et n’aura pas d’implications financières. Afin d’encourager une entrée en vigueur rapide du Protocole n° 14, la Norvège et la Pologne ont demandé au Secrétariat de Conseil de l’Europe d’organiser une manifestation en faveur du traité à Strasbourg le 10 novembre, ce qui coïncide avec la date où la présidence du Comité des Ministres passe de la Norvège à la Pologne. Je saisis cette occasion pour inciter tous les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait de signer le protocole à cette occasion et de procéder à la ratification dans les meilleurs délais.
La deuxième priorité de notre présidence reflète le fait que le Protocole n° 14 n’est qu’un élément d’une série de réformes plus larges qui comprennent d’autres mesures nécessitant un suivi de la part des Etats et des organes compétents, notamment ceux du Conseil de l’Europe. Le Comité des Ministres doit prendre des mesures spécifiques et efficaces pour améliorer et accélérer l’exécution des arrêts de la Cour, en particulier des arrêtés révélant un problème systémique sous-jacent. Par ailleurs, le Comité des Ministres doit examiner la mise en oeuvre des recommandations susvisées soumises aux Etats membres. Enfin, les Ministres doivent être dotés de moyens nécessaires pour permettre la mise en oeuvre rapide et effective du Protocole n° 14, et de prendre des mesures en conséquence.
Le principal pilier du système européen des droits de l’homme est bien sûr fondé sur le respect par les Etats de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme. Corriger les défauts systémiques à l’intérieur des Etats n’est pas, bien entendu, une tâche qui incombe à la Cour. Des mesures efficaces doivent être prises par les parlements, les gouvernements et les cours au niveau national. Il faut que les Etats remplissent leurs obligations découlant de la Convention et des recommandations et des résolutions adoptées par le Comité des Ministres.
Notre troisième priorité est de contribuer à une focalisation accrue sur des mesures spécifiques et efficaces destinées à améliorer et accélérer l’exécution des arrêts de la Cour, en particulier ceux qui révèlent un problème systémique sous-jacent. Dans une résolution portant sur cette question, la Cour est invitée à identifier, dans des cas où une violation de la Convention a été constatée, ce qui est, à son avis, un problème systémique sous-jacent et la source de ce problème. La Cour est également invitée à notifier aux autres organes du Conseil de l’Europe et au public en général les arrêts qui portent des indications d’un problème systémique en matière de droits de l’homme.
Pour terminer, je reviens à la question principale: il appartient aux Etats en premier lieu de veiller à l’efficacité du système européen des droits de l’homme. Nous devons par conséquent nous poser la question de savoir comment les Etats pourront garantir une application effective. Cela ne se limite pas à l’exécution des arrêts. Une application effective va plus loin et plus en profondeur qu’une mise en oeuvre formelle. Cela demande une révision totale de la législation et des pratiques administratives afin d’empêcher que la Court soit surchargée d’affaires très semblables.
Je pense qu’il est indispensable que les Etats et la Cour développent une coopération encore plus étroite pour traiter cette question très urgente.
J’espère que ce séminaire, qui réunit d’éminents spécialistes practiciens et universitaires, suscitera un esprit de partenariat nous permettant d’aboutir à une meilleure compréhension de ces questions complexes. J’espère aussi que ce séminaire contribuera à identifier des mesures pratiques à prendre dans le cadre des réformes qui ont été adoptées.
Avant de donner la parole au Président de la Cour européenne des Droits de l’Homme, j’aimerais remercier tout particulièrement le Secrétariat et la Cour pour leur aide précieuse lors de la préparation de ce séminaire.
Je vous souhaite tous une journée de débats fructueux et constructifs.
Merci de votre attention.